Le cinéma asiatique a été primé une bonne trentaine de fois par des récompenses prestigieuses ces dernières années, mais hier soir, c’est le film Everything eveywhere all at once qui a obtenu 7 récompenses aux Oscars américains. L’actrice Michelle Yeoh est la première femme asiatique à avoir obtenu ce prix. D’origine malaisienne, elle est pourtant déjà très connue et a fait de nombreux films à succès. La diaspora asiatique aux Etats-Unis est d’ailleurs l’une des plus grande dans un pays occidental. C’est donc assez étonnant qu’aucune femme n’ait jamais obtenu la statuette avant. De même, une seule réalisatrice chinoise, Chloé Zhao, a été récompensée récemment pour Nomadland.
Retrouvez ici ma chronique d’un film taïwanais qui parle de famille, d’immigration et d’émigration ainsi que de la culture américaine du point de vue taïwanaises, mon billet sur la diversité du cinéma asiatique ici,& ma chronique du film des Daniels par ici ainsi que ma chronique du cinéma coréen avec la critique de la série Squid Game ici.
Le cinéma asiatique rayonne dans le monde entier
Le cinéma asiatique est connu dans le monde entier, il a longtemps été vu comme une curiosité tandis qu’aujourd’hui la culture populaire coréenne (propulsée par la K-pop) et la culture japonaise du manga et des animés ont redoré la déjà longue carrière d’un cinéma singulier. Le cinéma asiatique est un cinéma exigeant, entre fresques historiques puissantes visuellement (Tigre et dragon) et satires sociales cyniques et violentes (Parasite par exemple). Ces histoires fascinantes ont parfois été instrumentalisées, par les pouvoirs politiques d’un côté, faisant parfois montre de censure, et d’un autre côté, par des formes telles que Disney dont le Mulan ne correspond que très peu à la véritable histoire de l’héroïne guerrière. Le cinéma asiatique est parfois un cinéma minimaliste (au Japon notamment) ou d’introspection (Apichatpong Weerasethakul entre autres). Depuis des décennies, le cinéma asiatique a produit certains des films les plus emblématiques et les plus influents de l’histoire du cinéma. En Chine comme en Inde, les spectateurs et spectatrices se comptent par milliard, ce qui en fait une audience d’exception. Dans cet article, nous allons explorer quelques-uns des meilleurs films de cinéma asiatique.
- Le Voyage de Chihiro (Japon, 2001) Réalisé par le célèbre réalisateur Hayao Miyazaki, « Le Voyage de Chihiro » est un film d’animation japonais qui a remporté l’Oscar du meilleur film d’animation en 2003. L’histoire suit une jeune fille appelée Chihiro qui se retrouve piégée dans un monde fantastique peuplé de créatures étranges. Le film est considéré comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre de Miyazaki et est acclamé pour sa beauté visuelle et son histoire profonde. C’est peut-être l’un des films asiatiques les plus connus en Europe et aux États-Unis.
- Oldboy (Corée du Sud, 2003) « Oldboy » est un thriller sud-coréen réalisé par Park Chan-wook. Le film suit un homme nommé Oh Dae-su qui est kidnappé et retenu en captivité pendant 15 ans avant d’être soudainement relâché. Il part alors à la recherche de son ravisseur pour se venger. « Oldboy » est acclamé pour sa mise en scène élégante et sa narration audacieuse, ainsi que pour la performance de son acteur principal, Choi Min-sik. Il marque les débuts d’un des thèmes de prédilection du réalisateur Park Chan-wook : la vengeance. Il a en effet réalisé ce qu’on appelle La trilogie de la vengeance : une trilogie cinématographique sud-coréenne thématiquement liée et réalisée par Park Chan-wook, comprenant Sympathy for Mr. Vengeance, Oldboy et Lady Vengeance dont les titres sont assez explicites pour deux d’entre eux.
- In the Mood for Love (Hong Kong, 2000) est un film romantique hongkongais réalisé par Wong Kar-wai. L’histoire se déroule dans les années 1960 à Hong Kong et suit l’histoire d’amour impossible entre deux voisins mariés qui tombent amoureux l’un de l’autre. Le film est acclamé pour sa beauté visuelle et sa musique émouvante, ainsi que pour les performances de ses acteurs principaux, Maggie Cheung et Tony Leung. C’est probablement l’un de mes films préférés. L’intrigue est belle et presque banale tandis que le film magnifie le moindre regard, et que la musique le rend contemplatif et poétique.
- Les Sept Samouraïs (Japon, 1954) Réalisé par Akira Kurosawa, « Les Sept Samouraïs » est considéré comme l’un des plus grands films de samouraïs jamais réalisés. L’histoire suit un groupe de samouraïs engagés pour protéger un village de paysans contre des bandits pillards. Le film est acclamé pour sa mise en scène épique, ses personnages mémorables et son exploration des thèmes de l’honneur et de la loyauté. Ce classique est encore l’un des films les plus cités en tant que référence cinématographique pour des réalisateurs les plus célèbres d’Occident qui trouvent sa réalisation brillante.
- Crouching Tiger, Hidden Dragon (Chine, 2000) Tigre et dragon est un film d’action épique chinois réalisé par Ang Lee. L’histoire suit un guerrier nommé Li Mu Bai qui cherche à récupérer son épée volée. Le film est acclamé pour ses scènes de combat chorégraphiées de manière experte, ainsi que pour ses performances d’acteurs stellaires, notamment Chow Yun-fat, Michelle Yeoh et Zhang Ziyi. Revu depuis peu, je l’ai trouvé encore plus beau que la première fois. Oscillant entre fantastique et fresque épique, le film est porté par un très beau casting, et un profond respect pour le cinéma chinois.
- Rashomon (1950) – Japon. Ce film est considéré comme l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma japonais. Réalisé par Akira Kurosawa, le film explore les différentes perspectives des témoins d’un crime. C’est un chef-d’œuvre intemporel qui continue d’influencer la cinématographie asiatique et mondiale. Les personnages comme dans Les Sept Samouraïs ont profondément marqué les spectateurs. Son classicisme japonais en fait l’un des modèles du genre.
- A City of Sadness (1989) – Taiwan. Il s’agit d’un film historique qui suit les événements tragiques qui ont suivi le massacre de la place Tiananmen en 1989. Réalisé par Hou Hsiao-hsien, le film est considéré comme une œuvre majeure du cinéma taiwanais et asiatique. Le point de vue est intéressant pour un long métrage datant de la fin des années 80, soit 40 ans après les exactions et les drames suivant l’occupation japonaise à Taïwan. Un chapitre de l’histoire qui reste méconnu en France.
- Tokyo Story (1953) – Japon. Réalisé par Yasujiro Ozu, « Voyage à Tokyo » est un film poignant et émouvant sur la famille et la vieillesse. Le film suit un couple de personnes âgées qui rendent visite à leurs enfants à Tokyo, mais qui sont déçus par l’attitude de ces derniers. Le film est considéré comme un classique du cinéma japonais et un exemple parfait de l’esthétique minimaliste d’Ozu. Conte social, il est l’un des premiers films asiatiques à se faire connaître en Europe.
Le cinéma asiatique en quelques autres chefs d’oeuvre :
Continuons notre exploration du cinéma asiatique :
- Parasite (Corée du Sud, 2019) – réalisé par Bong Joon-ho, ce film a remporté quatre Oscars, dont celui du meilleur film en 2020. Il suit l’histoire d’une famille pauvre qui s’infiltre dans la vie d’une famille riche. Entre satyre sociale et comédie dramatique, le film impressionne dans sa maitrise du scénario, et son impeccable direction d’acteurs. J’ai adoré ce film qui surprend au-delà de nos attentes. La violence finale n’est finalement rien de plus qu’une catharsis digne d’une tragédie grecque.
- Memories of Murder (Corée du Sud, 2003) – réalisé par Bong Joon-ho, ce film est basé sur une histoire vraie de tueurs en série qui ont sévi en Corée du Sud dans les années 1980.
- Hero (Chine, 2002) – réalisé par Zhang Yimou, ce film d’action épique suit l’histoire d’un guerrier qui raconte sa quête pour assassiner un tyran.
- House of Flying Daggers (Chine, 2004) – réalisé par Zhang Yimou, ce film d’action romantique suit l’histoire d’un policier qui tombe amoureux d’une danseuse dans une conspiration pour renverser un gouvernement corrompu. Appelé Le secret des poignards volants en français, c’est l’un des plus beaux films qu’il m’ait été donné de voir.
- A Tale of Two Sisters (Corée du Sud, 2003) – réalisé par Kim Jee-woon, ce film d’horreur psychologique suit l’histoire de deux sœurs qui reviennent chez elles après un séjour à l’hôpital psychiatrique.
- The Handmaiden (Corée du Sud, 2016) – Mademoiselle en français, réalisé par Park Chan-wook, ce film est basé sur le roman « Fingersmith » de Sarah Waters et suit l’histoire d’une escroquerie entre une servante et une riche héritière japonaise. Très esthétique, ce film peut en déstabiliser plus d’un par son côté noir et dérangeant ainsi que par la manipulation qui ressort des personnages.
Des films asiatiques et américains ? Le cinéma sino-américain :
Bien sûr, il existe une catégorie de films américano-asiatiques ou sino-américains, dont le succès a été planétaire. Ce cinéma révèle la puissante influence née des échanges entre les États-Unis et certains pays d’Asie tels que le Japon ou la Chine. Cette relecture du cinéma américain au prisme du regard asiatique ou inversement la perspective asiatique dans le cinéma américain, offrent une vision vivante des syncrétismes et mélanges culturels portés par ces deux cultures. Voici quelques exemples notables :
- Crazy Rich Asians (2018) – réalisé par Jon M. Chu, ce film a reçu des éloges pour son casting entièrement asiatique et son histoire romantique et humoristique centrée sur la vie de la haute société asiatique à Singapour. Il propose une comédie entièrement basé sur le modèle américain, mais qui sort rapidement du genre « comédie romantique » pour devenir une comédie familiale qui parle des racines, de la relation mère/belle-mère-fille, de l’acceptation dans une nouvelle famille et de la réussite professionnelle et affective chez la femme asiatique en quelque sorte. J’ai beaucoup apprécié !
- Everything Everywhere All At Once est un film de science-fiction et d’action américain sorti en 2022, réalisé par les frères Daniels (seul Daniel Kwan est asio-descendant). Il suit l’histoire de Mei, interprétée par Michelle Yeoh (actrice oscarisée pour le rôle), une veuve chinoise ordinaire qui découvre qu’elle est en réalité une déesse capable de voyager dans des dimensions parallèles. Lorsqu’une menace surnaturelle met en danger l’existence de l’univers, Mei doit unir ses forces avec d’autres versions d’elle-même de différentes dimensions pour sauver la réalité elle-même. Le film à petit budget a été acclamé pour sa représentation diversifiée de personnages asiatiques et pour son utilisation créative de l’univers de la science-fiction pour explorer des thèmes plus profonds tels que l’identité, la famille et l’amour. C’est peut-être devenu mon film asiatique préféré dans cette catégorie. Chronique ici.
- The Joy Luck Club (1993) – réalisé par Wayne Wang, ce film est basé sur le roman éponyme d’Amy Tan et suit l’histoire de quatre femmes chinoises immigrées et leurs filles américaines.
- Better Luck Tomorrow (2002) – réalisé par Justin Lin, ce film suit un groupe d’étudiants asiatiques-américains qui s’engagent dans des activités criminelles.
- Harold and Kumar Go to White Castle(2004) – réalisé par Danny Leiner, ce film est une comédie racontant l’histoire de deux amis d’origine indienne et coréenne qui se lancent dans une quête pour manger des hamburgers à White Castle.
- The Farewell (2019) – réalisé par Lulu Wang, ce film suit une famille sino-américaine qui retourne en Chine pour dire au revoir à leur grand-mère qui est gravement malade, sans lui révéler que c’est son dernier adieu.
Les séries TV asiatiques : une influence grandissante
Ces films asiatiques-américains sont un reflet de la diversité croissante dans l’industrie cinématographique occidentale et offrent des perspectives uniques sur la vie et l’expérience des Américains d’origine asiatique. Netflix a produit par ailleurs un bon nombre de séries et de films dont les protagonistes sont asiatiques, par exemple :
- Squid Game – cette série sud-coréenne a connu un succès international en 2021, racontant l’histoire de participants à un jeu mortel où les perdants sont éliminés. Elle met en vedette des acteurs coréens tels que Lee Jung-jae et Park Hae-soo. Je n’ai personnellement pas beaucoup aimé cette série. J’en parle ici.
- The Chair – (Directrice), cette série américaine met en vedette la star sud-coréenne Sandra Oh dans le rôle d’une professeure d’université nommée première femme à la tête du département d’anglais. Elle était déjà formidable dans Killing Eve, elle nous éblouit aussi dans ce rôle plus élitiste. C’est d’ailleurs ce côté élitiste qui m’a gênée dans cette série, qui ne peut pas parler à tout le monde, je pense.
- The Ghost Bride – L’épouse fantôme est une série malaisienne suit une jeune femme qui se retrouve dans un monde surnaturel après avoir été forcée d’épouser un fantôme pour sauver sa famille de la ruine. Elle met en vedette l’actrice taiwanaise Huang Pei-jia.
- Alice in Borderland – cette série japonaise suit trois amis qui se retrouvent soudainement transportés dans un monde parallèle rempli de défis mortels. Elle met en vedette l’acteur japonais Kento Yamazaki.
- Always Be My Maybe – ce film américain met en vedette les acteurs américains d’origine asiatique Randall Park et Ali Wong dans une comédie romantique sur deux amis d’enfance qui se retrouvent des années plus tard. C’est une bluette sans prétention. J’ai passé un excellent moment avec ce film qui a permis à Netflix d’élargir ses représentations sans trop se mouiller.
Ces films et séries sont un exemple de l’augmentation de la représentation asiatique dans les médias populaires et montrent que les acteurs et actrices asiatiques ont leur place sur la scène internationale. Évidemment.
Je ferai bientôt un article sur le cinéma des minorités asiatiques et le cinéma d’Asie du Sud-Est.
Signé Tassa.
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