J’ai vu Sing Street de John Carney

Hier soir sur Arte j’ai vu la comédie dramatique et musicale irlandaise de John Carney : Sing Street, sortie en 2016. Habitué aux musicals (Once, sorti en 2007), John Carney a réalisé ici une œuvre qui satisfait les amateurs de musique, les nostalgiques des années 80, et les amoureux des films pour ados. 

Trailer vidéo : https://youtu.be/jYk2Vx1z6lk

Le synopsis est simple : un jeune lycéen s’éprend d’une jeune fille inaccessible qui veut devenir mannequin, Raphina, et lui annonce qu’il a besoin d’elle pour tourner le clip musical de son groupe de rock. En quelques minutes, il doit donc créer un groupe de rock.

Là où reside la magie du film, c’est dans la peinture de la naïveté de l’adolescence et aussi de sa cruauté. Les dialogues bien ciselés, drôles, incisifs, viennent brosser le portrait d’une génération qui rêve d’Angleterre et de Duran Duran.

Car à 50km à l’horizon, sur les quais à l’est de l’Irlande, les jeunes espèrent un jour rejoindre les rives du Pays de Galles puis les rivages londoniens. Le contexte économique de l’Irlande des années 80 n’est pas rose. Touchés par la crise économique qui traverse le pays, les parents du jeune héros Conor, se disputent sans cesse, au bord de l’implosion. À 15 ans, il se voit obligé de changer de lycée pour un bahut privé religieux du nom de « Synge Street ». Désargenté, en proie à la violence de ses jeunes camarades de classe, encore plus laissés-pour-compte que lui-même, Conor écoute, avec son grand frère Brendan, les mythiques groupes pop rock subversifs des années 80 : Duran Duran, The Cure, A-ha.

La suite est donc assez classique pour un film qui se déroule en 1985 et qui décrit des adolescents, mais sur un ton savoureusement grungy, alternatif et rock. Les références culturelles fusent tout au long du film, avec des moments de grâce comme lorsque Raphina demande à Conor de fredonner du A-ha, ou que le petit ami de Raphina écoute du Phil Collins dans sa grosse voiture (un truc de ringard apparemment). C’est un réel plaisir de voir tant d’éléments historiques dans un film musical : le père de Conor qui ne comprend pas l’utilité des clips musicaux et déteste les chanteurs qui n’apparaissent pas en direct à la télévision, l’utilisation des synthétiseurs, les allusions à Depeche Mode, au clip Thriller de Michael Jackson, au look androgyne et glamrock de David Bowie en Ziggy Stardust, la mode dandy, les scènes du bal de fin d’année de Retour vers le futur de Robert Zemeckis sorti en 1985 (mais qu’aucun adolescent irlandais ne semble avoir vu dans le film), etc.

Les chansons du film sont très pop rock et comportent chacune des éléments du récit : vous entendrez donc des chansons qui rappellent les tubes de Duran Duran, mais aussi des chansons plus alternatives avec des paroles qui rejettent la société de consommation et les normes sociales, vous aurez aussi droit à la ballade romantique et au rock plus sombre, rejetant cette fois les coutumes et interdits traditionnels (la religion dans le film). Film d’émancipation adolescente d’abord, Sing Street est une comédie dramatique qui met tout en œuvre pour recouvrir la mémoire d’un passé pas si lointain où la jeunesse irlandaise sans avenir se mue en autre chose. Modèle du jeune qui veut s’émanciper et quitter l’île, Brendan le grand frère, à coup de lecture d’ouvrages probablement freudiens et marxistes, n’a jamais pu fuir, empêché par sa mère de plier bagage. En sera-t-il de même pour son petit frère ?

Le film a quelques défauts néanmoins : la construction du groupe de Conor les Sing Street est jouissive au début mais John Carney n’a pas reussi à maintenir le lien entre les personnages et n’a pas donné d’épaisseur à leur rôle secondaire, ce qui aurait pu être un film sur l’amitié, reste finalement un film sur l’amour adolescent et le coming of age, fiction d’apprentissage.

De facture classique, cette comédie musicale est très réjouissante et rafraîchissante avec une bande son dont on a bien envie de réécouter les pistes sonores. Un film optimiste, tourné vers l’avenir des jeunes irlandais en dehors des frontières de leur pays. Le casting (Ferdia Walsh-Peelo, Lucy Boynton et Jack Reynor) est exceptionnellement doué et vivifiant !

J’aurais aimé que ce musical ne s’arrête jamais d’épuiser les références aux années 80. Un pur feel-good movie comme on les aime. 

Signé Tassa


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