Cher S. P.,
Votre vision du corps et du genre semble s’arrêter à une conception strictement biologique, comme si l’humain était réductible à ses hormones et à des caractéristiques physiques figées. Pourtant, la nature nous offre une pluralité d’exemples qui montrent que la réalité biologique dépasse largement une simple dichotomie mâle/femelle. Par exemple, chez les hyènes tachetées, les femelles sont non seulement plus grandes, mais aussi socialement dominantes, remettant en cause toute idée d’une supériorité masculine intrinsèque. Dans le monde des insectes, les fourmis et les abeilles assurent la survie de la colonie grâce à leur rôle prépondérant. Les orques, quant à elles, présentent une structure sociale dans laquelle les femelles vivent plus longtemps et exercent un rôle de leadership déterminant. Par ailleurs, dans certaines populations de bonobos, les femelles détiennent une influence majeure sur les interactions sociales, tandis que chez certains rapaces, comme quelques espèces d’aigles, les femelles se distinguent par leur taille et leur robustesse. Les éléphants, organisés autour de structures matriarcales, et même certaines araignées, où les femelles sont nettement plus imposantes que leurs homologues masculins, viennent enrichir ce constat.
En outre, des biologistes de renom ont remis en question l’idée même d’une supériorité inhérente du mâle humain. Par exemple, Anne Fausto-Sterling, dans ses travaux sur la diversité sexuelle, démontre que les différences biologiques entre hommes et femmes sont souvent exagérées par des constructions sociales biaisées, et que la variabilité individuelle au sein de chaque sexe dépasse largement toute généralisation simpliste. Par ailleurs, Lise Eliot, neuroscientifique, montre que les différences observées dans le fonctionnement cérébral résultent d’interactions complexes entre génétique et environnement, rendant toute hiérarchie basée sur ces différences tout à fait réductrice. Enfin, Robert Trivers, avec sa théorie de l’investissement parental, explique que les rôles reproductifs ne confèrent pas une supériorité intrinsèque, mais représentent simplement des stratégies évolutives complémentaires destinées à optimiser la survie et la reproduction de l’espèce.
Réduire les rapports sociaux à de simples différences biologiques, c’est négliger la richesse des stratégies évolutives et la complexité des interactions qui façonnent nos sociétés. Parler de genre et de masculinité ne revient pas à effacer la biologie, mais plutôt à refuser une interprétation simpliste et biaisée, qui sert à justifier des hiérarchies sociales injustes. Le féminisme, en questionnant ces discours naturalisants, revendique une approche qui reconnaît la diversité du vivant et qui dénonce l’instrumentalisation des différences pour maintenir des inégalités.
Je suis désolée de voir à quel point une si jolie chose que la réalité vous choque. Je suis désolée de penser que vous n’auriez pas envie que les femmes de demain dans le monde vivent autre chose que l’oppression que certaines subissent au quotidien.
Michelle Perrot a raison. Vous en êtes la pure preuve.
Bien à vous, (ou pas !)
T.
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