20241022_dailylog déficit culturel

J’ai toujours eu ce problème du déficit culturel. Même si je suis née dans une famille cultivée, privilégiée, et aisée, l’aspect intellectuel n’a jamais été valorisé à 100%. Il fallait juste être intelligent, c’est-à-dire avoir de bonnes notes à la maison. Mais connaître les choses par les noms, les faits, les événements, ce n’était pas aussi important que vivre des choses. Dans un certain sens, c’est vachement bien, car j’ai développé une meilleure sensibilité. Et on s’en fout de ne pas savoir (enfin, même si en fait ça cachait aussi le problème de la gêne de ne pas savoir justement…)

D’un autre côté, j’ai vécu dans un univers où on me disait qu’écouter de la musique d’opéra, c’était trop bourgeois et que ça donnait l’air que je me la pétais. À l’opposé, écouter Céline Dion, c’était vu comme un peu beauf. Il y avait donc une forme de cercle infranchissable. Lire mais lire un seul type de roman (le polar historique) et être culpabilisé sur les livres qui sortaient du cadre : c’est trop triste pour toi, c’est trop dur. Les classiques c’est plutôt fait pour les intellos bobos méprisants. Les bandes dessinées c’est violent et enfantins. Apprendre, mais apprendre quoi, les langues c’est utile, la musique, oui, peut-être le reste un peu moins. La musique c’est noble. Le chinois c’est l’avenir. J’ai donc fait tout ce qui était bien et correct. Attendu dans la mini société dans laquelle je vivais. Aucune conversation intellectuelle dans la famille. Par contre, une série de gestes, de façons de faire, des circonstances et des activités culturelles et créatives qui m’ont fait devenir ce que je suis today. C’est peut-être pour ça que je n’aime pas tant participer à des conversations intellectuelles car je ne m’y sens pas à l’aise. Pourtant j’adore en écouter.

Toutefois je n’ai jamais eu de barrière dans ma tête. Je dévorais tout ce qui passe en lecture, en musique et plus tard en film. Mais je n’ai acquis cette sorte de culture que tardivement, après la terminale. Ado, c’était mes amies qui m’apprenaient des choses sur la culture télévisuelle, car longtemps je n’ai rien eu le droit de regarder sauf en cassettes ou alors seulement une ou deux séries. C’était au CDI ou à la bibliothèque que je lisais toutes les collections. C’est à la fac que j’ai découvert la littérature noire américaine, toutes les autres femmes qui écrivent autres qu’ Agatha Christie et Jane Austen, la littérature queer et le nature writing. Les livres de philo. Les essais. C’était à l’extérieur, en gros, que je me cultivais. Et ça c’est bien.

Ado j’ai attendu l’âge de 15 ans pour avoir ma première tablette Palm achetée avec mon argent de poche, car je n’achetais pas grand chose d’autres. Quand j’en parle, je me dis que c’est complètement en décalage avec ce qui vivaient d’autres personnes de mon âge. J’étais déjà une putain de geek. Au départ je pensais l’utiliser pour écouter de la musique. Et en fait, j’ai vite compris que je pouvais pirater pour avoir la télévision dessus, télécharger des livres, aller sur des sites d’encyclopédie et apprendre. J’ai créé un forum avec forumactif dans lequel j’ai fabriqué une encyclopédie partagée.

Je suis partie de ma campagne profonde pour arriver en ville. J’ai vu des librairies un peu cool. J’ai croisé la route d’Instagram hashtag bookstagram et ma vie a changé.

Un de mes problèmes aujourd’hui dans mon métier, c’est de graviter autour de gens qui ont l’agrégation, le doctorat, l’ENS, je ne sais quoi encore, et qui se sentent, sans le faire exprès je pense, supérieurs intellectuellement et culturellement. « Ah vous ne connaissez pas un tel ? Bah quand même c’est connu !! vous devriez ! » … « quoi ? Ce n’est pas votre livre de chevet ??! ». Parler de culture n’est pas donné à tout le monde. Maintenant que je vis dans cette société là, je suis vraiment heureuse, mais je ne m’y sens pas encore assez confortable, légitime.

Je n’ai pas la même culture. Je n’ai pas fait le même parcours qu’eux. Le jour de la soutenance de mémoire, cela s’est senti, car j’avais redoublé d’effort pour lire 3 fois plus que n’importe quel étudiant de ma promotion, afin de rattraper mon retard. On m’a d’ailleurs félicité pour ma capacité à engloutir la littérature spécialisée. Ce qui fait que, contrairement à mes collègues, j’ai bien obtenu mon concours de l’enseignement également la même année et obtenu ma bourse de thèse. Heureusement, j’ai tout de même des directions de thèse qui n’ont pas cette vantardise culturelle et qui comblent d’ailleurs leur manque culturel par des combines dont j’ai remarqué les ressorts.

Ouf. Maintenant. Après. La dépression. Pourquoi. Pourquoi apprendre tout ça. Oui la connaissance c’est bien. En France, on nous culpabilise de ne pas savoir. C’est un gouffre, un fossé, qui a été imposé comme ça par les gouvernements et les politiques successives. Il y’a ceux qui peuvent, ceux qui œuvrent.

Alors je continue de me « cultiver », comme une putain de plante. Et j’espère que d’autres aussi le feront. Mais sans culpabiliser.

Mais parfois, je passe pour cette personne qui sait tout et qui passe au-dessus des choses. Qui a l’air imbue d’elle-même et qui semble déconnectée. Et j’essaye de me corriger. Je n’ai pas envie d’être cette personne là non plus.

Tu ne connais pas ça ou ça ?

Ce n’est pas grave.

Tiens je te donne le livre.

Tiens je t’explique.

Tiens je te donne des pistes pour aller comprendre telle ou telle chose.

Le monde ouvert.

Dans un monde fermé. Qui juge. Et sanctionne le manque de culture à l’échelle de la fracture des classes sociales.

Ma petite chienne Lyra qui dort au soleil dans la véranda dans un fauteuil de jardin en plastique blanc avec des jolis coussins dans les tons verts blancs et jaunes entourée de plantes vertes d’intérieur.

Sinon j’ai lu :

Euh j’ai lu des trucs.

—-

Et j’ai écouté :

J’ai regardé

Love is Blind Habibi : trop bien ! (Aucun autre commentaire)

Agatha All Along : très cool bien qu’un peu frustrant


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