J’ai vu Charlie’s Angels d’Elizabeth Banks (2019) [Critique de film]

Charlie’s Angels : Une tentative maladroite de reboot féministe surgrand écran

Dans l’industrie du cinéma, la volonté d’explorer des thèmes féministes est une démarche louable. Malheureusement, tous les essais ne sont pas couronnés de succès. C’est exactement ce qui s’est passé avec le dernier opus de la franchise Charlie’s Angels dirigé par Elizabeth Banks. C’est une actrice que j’apprécie beaucoup, car à chaque fois que je la vois, je me dis qu’elle est là pour un de ces rôles iconiques qui vont marquer le cinéma (Hunger Games, Pitch Perfect). Alors que le propos féministe du film était indéniablement intéressant, son exécution maladroite et son scénario médiocre ont laissé les spectateurs perplexes et insatisfaits.

On y trouve un casting prometteur qui ne parvient pas à sauver le film. Ce dernier avait pourtant commencé avec une équipe de choc, composée de Kristen Stewart, Naomi Scott et Ella Balinska. L’on aurait pu s’attendre à une explosion d’énergie à l’écran. Malheureusement, même leur talent ne pouvait pas rattraper un script faible et des dialogues sans relief. Les actrices ont dû se contenter de personnages peu développés, prisonnières d’un scénario qui ne leur permettait pas de briller. La caméra filme très mal les scènes d’action, s’attardant sur des détails inutiles, rendant les scènes laborieuses, à la différence de Pitch Perfect 2, dans lequel Elizabeth Banks avait juste à filmer simplement les interprètes.

Mon avis sur le film Charlie’s Angels d’Elizabeth Banks version 2019

Une réalisation maladroite et des scènes d’action confuses :

Elizabeth Banks, qui a également écrit et produit le film, a pris les rênes de la réalisation avec ambition. Malheureusement, son manque d’expérience dans ce domaine s’est fait sentir. Les scènes d’action sont filmées de manière chaotique, avec des plans rapides et des mouvements de caméra désorientants. On a l’impression de perdre le fil de l’action à chaque instant, ce qui rend les séquences d’action plus frustrantes qu’exaltantes. La caméra ne semble jamais être à la bonne place, et filme les corps presque artificiellement, de loin, de près, peu importe.

Un scénario prévisible et sans surprises :

Le point le plus décevant de ce film réside dans son scénario, adapté de la réalisatrice elle-même. L’intrigue est prévisible et manque cruellement de rebondissements. Dès le début, on devine facilement qui est le méchant et quel sera le dénouement. Les twists, lorsqu’il y en a, sont maladroits et mal exploités. Il est dommage de constater que le potentiel narratif a été gaspillé au profit d’une action peu inspirée. Les deux Anges principaux ne bénéficient que d’un contexte léger, ce qui empêche les spectateurs de s’identifier à elles. On apprend petit à petit quelles sont leurs failles et leurs relations avec d’autres personnages, sans que cela serve réellement le récit.

Un message féministe intéressant, mais mal communiqué :

L’un des aspects les plus prometteurs de Charlie’s Angels était son intention de promouvoir le féminisme et de mettre en valeur la force des femmes. L’idée était là, mais l’exécution a malheureusement échoué. Plutôt que de véhiculer un message puissant et inspirant, le film s’enlise dans des clichés et des stéréotypes, au lieu de défendre un point de vue. Les personnages féminins sont parfois réduits à des caricatures et leurs actions ne sont pas toujours cohérentes avec le discours féministe que le film prétend défendre. On le ressent particulièrement dans la scène du début, très gênante, ou des scènes d’action de combat de corps à corps, toujours très sexualisées. Bien que je comprenne la position d’Elizabeth Banks, très fervente militante féministe, ici le féministe est quasi cosmétique, sans parler de la scène finale, tellement « lourde de sens » qu’on dirait qu’elle a été trouvée au fond d’une pochette surprise.

On a bien vite l’envie de comparer le ratage féminin d’Ocean’s Eleven version Ocean’s Eight à Charlie’s Angels : Les deux films ont tenté de donner un nouvel élan à des franchises en reprenant des personnages masculins emblématiques pour les « remplacer » par des femmes. Je dis « remplacer », car c’est malheureusement l’effet que cela nous procure. Cependant, Ocean’s Eight a quasiment « plus » réussi là où Charlie’s Angels a échoué (j’ai tout de même peu apprécié Ocean’s Eight). Le premier présente un scénario intelligent et une dynamique de groupe bien orchestrée, tandis que le second se perd dans des cascades d’action sans réel enjeu (même si les clichés sont toujours aussi tristes à constater). Ocean’s Eight a su exploiter l’ensemble de son casting féminin de manière cohérente, ce qui a contribué à créer une véritable alchimie entre les personnages (même chez des personnages qu’on ne voit que 5 min comme Rihanna), alors que dans Charlie’s Angels, cette alchimie n’est pas totalement au rendez-vous et on s’attache très peu aux personnages.

En comparaison, la version de 2000 de Charlie’s Angels avait un style distinctif et une tonalité légère et humoristique qui allaient bien aux années 2000 pré-#MeToo. Malgré un côté tout aussi raté, il était évident que ce reboot de la série télé originale était un passage obligé. En post-#MeToo, on finit par se demander s’il était raisonnable de remettre le couvert une troisième fois et de ressortir les vieux faitouts de l’armoire… En 2000, le film embrassait pleinement le côté ludique de l’action et de l’aventure, offrant une expérience divertissante et décontractée. En revanche, la version d’Elizabeth Banks a tenté d’adopter une approche plus moralisatrice, sans que l’argument des « hommes sont tous des salauds » ne prenne son entier potentiel tout au long du film. Les blagues des personnages féminins tombent à l’eau dans la version 2019. On dirait presque un film pour petites filles, à la Spy Kids.

L’une des forces du film de 2000 résidait dans la chimie évidente entre les actrices principales, Lucy Liu, Cameron Diaz et Drew Barrymore. Leur alchimie naturelle et leur camaraderie étaient palpables à l’écran, ce qui rendait leurs interactions à la fois convaincantes et amusantes. Malheureusement, la version plus récente n’a pas réussi à recréer cette dynamique. Les nouvelles Anges n’ont pas la même cohésion et leurs interactions manquent de la spontanéité et de la complicité qui rendaient les personnages si attachants dans la première version.

Conclusion : Charlie’s Angels d’Elizabeth Banks est une déception. Malgré un propos féministe intéressant, le film est desservi par une réalisation maladroite, un scénario prévisible et peu crédible ainsi que des personnages peu développés. Il aurait pu être une ode à l’empowerment féminin, mais il se contente d’être un divertissement peu efficace et peu convaicant. Espérons que les futures adaptations de la franchise (mais ce n’est vraiment pas obligé de recommencer !) sauront mieux exploiter le potentiel de ces héroïnes iconiques et offriront aux spectateurs une expérience cinématographique plus mémorable.

Le problème avec ma critique : le problème avec ma critique, c’est qu’elle conforte un grand nombre de personnes qui considèrent que le féminisme n’a pas sa place au cinéma. D’après les plus de 20 critiques que j’ai lues et visionnées sur internet, 90% sont écrites par des antiféministes, déjà outrés à la base par le fait que l’affiche soit 100% féminine (3 actrices, une réalisatrice-scénariste). Et le film est ainsi souvent cité par une frange de la critique d’influence de droite, comme l’exemple de la déchéance du milieu de la pop culture et du cinéma hollywoodien… Je regrette donc d’avoir détesté ce film. Il n’est pas inutile d’ajouter que les clichés hommes/femmes sont autant portés par des hommes que par des femmes. Pour autant, il est l’un des seuls en 2019, qui propose une distribution féminine avec des femmes qualifiées de « fortes » exécutant des scènes d’action « comme les hommes ». Il est aussi l’un des seuls films réalisés par une femme, avec une portée internationale, en 2019. Pour cette raison, j’abhorre toutes les personnes qui abattent leur foudre sur ce film avec pour seuls arguments « les femmes ne savent pas tourner des films » ou bien pire « le féminisme tue la culture et signe la déchéance de notre civilisation ». C’est dit. Et puis, en dépit de cet échec, j’aime quand même toujours autant Elizabeth Banks et aussi un petit peu Kristen Stewart (qui est un brin stylée quand elle en fait trop).

Signé Tassa


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *