J’ai regardé Blockbuster (Critique série Netflix, créée par Vanessa Ramos)

Petite analyse d’une série : Blockbuster, de Vanessa Ramos (Netflix, 2022)

Vanessa Ramos a lancé sa première série en tant que showrunner sur la plateforme Netflix : Blockbuster (2022). Si le site de diffusion multimédia en ligne peut garantir d’obtenir une audience suffisante lors du pilote ou d’une saison test, Netflix n’est pas gage ni de qualité, ni de succès. Pourtant, Vanessa Ramos n’en est pas à son premier essai en tant que scénariste. On la connaît pour quelques épisodes de Brooklyn Nine-Nine ou même Superstore. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’elle a dû s’inspirer des formules à succès des deux séries susmentionnées. On y retrouve en effet tous les ingrédients, presque copiés collés. L’actrice phare de Blockbuster n’est autre que Melissa Fumero, et le rôle principal est interprété par Randall Park, acteur d’une rom-com sur Netflix dernièrement (Always be my maybe, 2019).

Blockbuster est une série comique assez naïve dans l’esprit de Superstore. On y suit Randall Park jouant le rôle de Timmy, le patron d’un magasin de location/vente de DVD alors que les premières plateformes en ligne commencent à mettre en danger ses affaires. Comme dans la plupart des sitcoms américaines récentes, le patron est un type peu sûr de lui, voire un peu pathétique, souvent recadré par ses propres employés, notamment ici Melissa Fumero dans le rôle d’Eliza, quasi identique à celui d’America Ferrera dans Superstore.

Dans Superstore, se moquant gentiment de notre société capitaliste à travers le quotidien d’un grand magasin américain, l’un des scénaristes de The Office, Justin Spitzer, a échoué à nous offrir une véritable caricature du milieu du travail ou de la vie des employés, à l’inverse du spin off de The Office UK de Ricky Gervais.

Pas assez de sarcasmes, pas assez d’absurdité, remplacés par de la bonne humeur, mais surtout par une pointe de bons sentiments et un peu de mièvrerie, rendent la série Blockbuster beaucoup moins stimulante que Brooklyn Nine-Nine, qui se plaçait clairement dans l’auto-dérision assumée, au même titre que Parks and Recreation, qui avait su réinterpréter le ridicule de Steve Carell ou de Ricky Gervais dans The Office au féminin en la personne d’Amy Poehler.

Blockbuster est par conséquent une série ratée. Elle enchaîne les références cinématographiques et télévisuelles, en omettant les hommages visuels, sans que les spectateurs et spectatrices ne s’en rendent véritablement compte, à l’inverse de séries telles que Space Force (j’ai parlé ici de l’échec de cette série que j’ai adorée), ou Community, qui ont su jongler avec des références culturelles bien plus efficacement dans le scénario pour en faire un véritable élément de l’intrigue principale de chaque épisode.

Comme dans Superstore, le duo Melissa Fumero et Randall Park se rapproche et s’éloigne, s’écharpe et se réconforte, en développant les personnages par le biais de scènes moralisatrices dialoguées (donc trop bavardes) à l’américaine, interminables et censées être « attendrissantes », sans qu’on s’attache, nous, à ce couple plat-plat et peu complexe. Les résolutions de chaque épisode ne parviennent pas à créer l’effet feel good attendu. Par rapport à Ted Lasso ou The Office, on ne sent pas l’alchimie opérer au sein de l’équipe. Pourquoi ?

Bien que Blockbuster soit une sorte de huis-clos (un magasin ou deux, la rue dans laquelle se trouve le magasin…), on sent que le décor est factice. Le magasin de location de DVD n’est qu’un prétexte et sa présence ne sert pas le récit (à part dans un ou deux épisodes au début, dans celui de l’inventaire du magasin, etc.). On perd vite de vue l’idée de la lutte menée par le patron de Blockbuster pour la survie de ce service multimédia qu’on a tous et toutes connu (enfants des années 90). De fait, on est loin d’un militantisme à la manière de Soyez sympas, rembobinez de Michel Gondry avec Jack Black et Mos Def, ou des scènes de fins des épisodes de Community, avec Danny Pudi et Donald Glover parodiant des scènes de films ou des séries cultes.

Et outre une équipe d’employé-es intéressante, les clichés excessifs nous lassent rapidement, clichés pourtant courants et acceptables dans ce type de séries. On retrouve ainsi l’employé geek, l’homosexuel (ici bisexuel), l’employée qui a raté sa vie, l’employée un peu bête, mais tellement gentille, l’employée retraitée à la culture infaillible jouant le rôle de la « mama », esprit mâture de la team, le patron indécis, toujours inquiet, pas très compétent, l’employée « je-m’en-foutiste » ou immature… ici, les ingrédients habituels des fiches personnages de séries comiques nous agacent. Dans Superstore, au bout de quatre ou cinq épisodes, on s’attachait véritablement à ces clichés ambulants, tout comme dans Brooklyn Nine-Nine, chacun apportait une forme d’attitude ridicule à laquelle on pouvait s’identifier. Dans Blockbuster, tout est dégoulinant (même pas au point d’être maniéré ou vulgaire !), peu sincère, limite gênant, en version originale comme en VF.

Au final, dans Blockbuster, on ne parle pas de films, de séries ou de DVD, on ne critique même pas Netflix (logique, c’est Netflix qui produit et héberge !), cependant, on suit les atermoiements et les problèmes relationnels de tous les employés de ce magasin bancal où les clients ne paraissent même pas réalistes (alors que dans Superstore, les clins d’œil aux comportements de vrais clients de la vie de tous les jours sont assez hilarants !).

On notera quelques répliques drôles concernant le cinéma : la cliente qui cherche un DVD avec Robert de Niro qui ne joue pas un papi, l’employé qui trouve que mettre Al Pacino dans la catégorie des films latinos parce qu’il a une tête de Cubain est exagéré, l’employée qui a envoyé par erreur des copies du film d’horreur Human Centiped à une classe de collégiens, Timmy qui passe le DVD de Saw III à ses parents en maison de retraite, le rayon du White Savior (Sauveur blanc ^^) dans le magasin, l’employée qui dit à une cliente que si elle veut voir une rétrospective d’Andy Serkis elle doit regarder d’abord 30 ans sinon rien puis Le seigneur des anneaux car « vous verrez il a pas du tout la même tête que d’habitude » 😂😂, etc. S’il n’y avait eu que cela, je suis certaine que la série aurait fonctionné.

Encore une série trop lisse, vous me direz. Passons notre chemin 🙂 d’ailleurs, elle n’aura pas de saison 2.

Signé Tassa


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