202408_cinéma L’esthétique au cinéma – Partie 1

Cela fait longtemps que je n’ai pas pris le temps de me balader dans une analyse filmique. J’en suis bien désolée. Aussi, j’ai moins l’envie de regarder des trucs tristes, et encore moins des Turcs tristes comme voudrait l’écrire mon clavier de téléphone intelligent, pas si intelligent que cela.

Néanmoins et pour le bien du blog, je vous emmène avec moi dans l’antre de l’esthétique cinématographique. Bon voyage. 

Films mentionnés :

Moonrise Kingdom, Wes Anderson, 2012

The French Dispatch, Wes Anderson, 2021

Marie-Antoinette de Sofia Coppola (2006)

Lost In Translation de Sofia Coppola (2003)

Cemetary of splendour, Apichatpong 
Weerasethakul, 2015

Syndromes and a century (2006), d’Apichatpong Weerasethakul

In the mood for love (2000) de Wong kar-wai


Le décor – le détail – la couleur – le ton

L’esthétique au cinéma est importante. C’est ce qui donne le ton. C’est presque parfois plus essentiel qu’un élément de scénario. Un détail du décor, un certain minimalisme ou alors une surabondance d’objets peuvent aider à poser une atmosphère spécifique.

Des critiques pourront dire que certains cinéastes en font trop et en oublient l’essence même du cinéma qui est de raconter une histoire et pas simplement de dire avec les images. Ce fut le cas de Wes Anderson, dont les films ont fréquemment été accusés d’être trop esthétiques au goût des spectateurs. L’image cannibalisait alors tout le récit au détriment des acteurs et actrices. J’aime beaucoup son cinéma, mais j’ai ressenti cela dans Moonrise Kingdom et aussi dans The French Dispatch, qui passaient à côté de leur sujet, ce que Le Grand Budapest Hôtel a corrigé légèrement en établissant un équilibre plus savoureux entre histoire et recherche esthétique.


Film : Moonrise Kingdom, Wes Anderson, 2012 (copyrights :
Sociétés de production
American Empirical Pictures
Indian Paintbrush
Moonrise
Scott Rudin Productions)

Film : The French Dispatch, Wes Anderson, 2021 (Copyrights :
Sociétés de production
Searchlight Pictures
American Empirical Pictures
Indian Paintbrush
Scott Rudin Productions)

Le clip musical version cinéma 

D’autres se sont essayés au style coloré. Sofia Coppola, dans la veine cinématographique de sa famille (un cinéma lourd et narratif) choisit une esthétique proche du clip vidéo ou musical. Elle aussi alourdit l’ambiance avec de la couleur, de la saturation. L’outrance n’étant pas forcément là où on l’attendrait. On peut penser que c’est dans le film Marie-Antoinette que Sofia Coppola exerce le mieux son style baroque. Or, non, c’est plutôt dans Lost In Translation (2003) que la réalisatrice propose des angles plus photographiques que narratifs. Son film devient alors quelque chose de froid, plus proche de l’exposition photo à Tokyo que du film initiatique chaleureux.


Film : Marie-Antoinette de Sofia Coppola (2006), copyrights :
Sociétés de production
Columbia Pictures
American Zoetrope
Tohokushinsha Film Corporation


Film : Lost In Translation de Sofia Coppola (2003) (copyrights : Sociétés de production
American Zoetrope)

Bon, ok, Scarlet Johansson est peut-être la raison pour laquelle le film est froidoss de chez froidoss, toutefois, voici quelques plans qui sortent d’une narration classique : dans les images ci-dessous, tout est fait pour nous faire comprendre le décalage du personnage. Cependant, c’est une manière de tourner qui est assez banale et qu’on retrouve dans les clips musicaux, car en effet, dans ce genre de vidéos, les spectateurs doivent comprendre en deux secondes ce qu’un film peut faire comprendre en 1h30. L’accumulation répétitive de ce type d’images donne un peu la nausée.


Film : Lost In Translation de Sofia Coppola (2003), documentaire Arte Blow Up.

Film : Lost In Translation de Sofia Coppola (2003), documentaire Arte Blow Up.

Film : Lost In Translation de Sofia Coppola (2003), documentaire Arte Blow Up.

Dans ces images, les personnages sont seuls, puis ils finissent par se trouver. Mais ils sont filmés comme s’ils continuaient d’être seuls. Ici en bas, une ligne les sépare, Scarlett regarde Bill, mais Bill Murray ne la regarde pas. Et leur corps semble toujours être à côté l’un de l’autre bien qu’en décalé.


Film : Lost In Translation de Sofia Coppola (2003), documentaire Arte Blow Up.

Film : Lost In Translation de Sofia Coppola (2003), documentaire Arte Blow Up.

Filmer autrement – la solitude de la perspective asiatique 

Dans un style plus épuré volontairement, et plus naturel, j’ai toujours été fasciné par le cinéma indépendant d’Apichatpong Weerasethakul. Réalisateur thaïlandais de la nouvelle vague asiatique des années 1997, né en 1970, il propose une image dépouillée, silencieuse ou juste bruyante des mouvements alentours : eau, vent, insectes, bruits de ville, pas.


Film : Cemetary of splendour, Apichatpong 
Weerasethakul, 2015 (copyrights : Kick the Machine Films
Illuminations Films (Past Lives))

Film : Cemetary of splendour, Apichatpong
Weerasethakul, 2015, image de Pinterest

Mon image préférée reste celle-ci dans Syndromes and a Century (2006) : une femme à la baie vitrée se fond parfaitement dans le décor des champs qui lui font face. Le film déroule les sujets profonds de la société thaïlandaise, entre relations amoureuses compliquées, urbanisation rapide, dichotomie tradition et progrès, jeunesse et génération ancienne, scandale sanitaire des pesticides, etc.


Film : Syndromes and a century (2006), d’Apichatpong Weerasethakul

Derrière cette esthétique épurée, la nouvelle vague a tracé un chemin important. On ne montre que ce qui est réel, ou alors vraisemblable. Le fantastique ne s’invite que dans les ombres, les rêves, la beauté majestueuse de la nature. C’est ce que les réalisateurs et réalisatrices veulent nous faire croire. Et le cinéma asiatique est d’une simplicité sans nom pour exécuter cette machination intellectuelle. 

Souvenons-nous une minute du chef d’œuvre In the mood for love (2000) de Wong kar-wai. Ce film cherche avant tout le dépouillement. Pourquoi ? Pour évoquer la solitude des personnages, celle des deux amoureux éconduits et trompés. Et quoi de mieux que le minimalisme de l’image pour évoquer la possibilité d’une relation adultère ? Quelques plans simples sur une horloge, sur de la fumée de cigarette, du reflet de flaques sur la route.


Film : In the mood for love (2000) de Wong kar-wai (copyrights
Sociétés de production
Block 2 Pictures
Jet Tone Production
Paradis Films)

Dans la nuit, chaque détail est apparent. Ainsi, le réalisateur préfère décaler sa perspective et respecte presqu’au millimètre près la règle de la photographie des trois parties (règle des tiers). Vous ne verrez jamais un plan mal tourné dans ce film.

Film : In the mood for love (2000) de Wong kar-wai

Et quand les personnages sont au centre de l’image, le plan est suffisamment suggestif et évocateur, tant qu’on n’a plus besoin de voir le personnage. C’est l’écrasante ombre d’une silhouette humaine qui décrit l’absurdité de la situation ou le poids terrible de la solitude.

Film : In the mood for love (2000) de Wong kar-wai
Film : In the mood for love (2000) de Wong kar-wai

Et quand l’image est saturée et centrée, elle éloigne tout de même les personnages, en y absorbant toute chaleur à la scène. La perspective n’est plus que celle d’un repas froid et inanimé, silencieux et distant.

Film : In the mood for love (2000) de Wong kar-wai

Bref, l’esthétique c’est important et ça raconte des choses. Les images sont frappantes. Elles restent d’autant plus dans nos mémoires, qu’elles deviennent des motifs répétés dans d’autres films ou bien des affiches trônant au-dessus de nos bureaux ou encore des « memes d’internet ». D’ailleurs, la suite au prochain numéro ! Parce que j’ai encore plein de choses à dire.

Par Tal Amani


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