American Girl (2021), du cinéma social et familial taïwanais

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American Girl est un drame familial réalisé par Feng-I Fiona Roan, qui signe là son premier long métrage, à ce que j’ai compris. Le film est autobiographique. Il raconte comment Fen Liang est revenue à 13 ans des États-Unis à Taipei avec sa soeur et sa mère, après que cette dernière ait été diagnostiquée du cancer du sein. Leur retour coïncide malheureusement avec le début d’une épidémie de SRAS en 2003.

Du cinéma Taïwanais, je ne connais pas grand chose à part sa Nouvelle Vague des années 80, avec Hou Hsiao-Hsien surtout, et Tigre et Dragon ou Lust, caution d’Ang Lee. J’ai plutôt connaissance du cinéma hongkongais…

American Girl a bénéficié de la production de Tom Shu-Yu Lin, lui-même réalisateur des renommés Winds of September (2008) et Starry Starry Night (2011), entre autres. Habitué aux histoires d’adolescents, ce dernier a eu raison de produire le long métrage de Feng-I Fiona Roan, puisqu’elle sera récompensée par de multiples prix dont une sélection au célèbre festival international de cinéma de Tokyo.

Tourné en mandarin à Taïwan, le film a une distribution Taïwanaise et hongkongaise avec Karena Lam dans le rôle de Wang Li-li (Lily, la mère), Kaiser Chuang dans le rôle de Liang Chong-hui (le père) et Caitlin Fang, la jeune adolescente Liang Fang-yi (Fen).

Si tout va comme sur des roulettes pour cette œuvre à petit budget, c’est que le scénario prend le parti pris de la lenteur, postulat assumé d’emblée dans ce drame social et familial. L’intrigue semble se nourrir de la confrontation Amérique / Taïwan, surtout dans les scènes où l’on assiste au harcèlement de Fen, que ses nouveaux camarades Taïwanais traitent d’ »American Girl », telle une insulte xénophobe, la voyant comme une aberration culturelle et sociale. Pour autant, cette confrontation entre deux idéologies/deux cultures s’arrête là et ne paraît en fait que répondre en miroir à l’opposition la plus fondamentale du film : la relation mère-fille. 

En effet, la réalisatrice donne plus d’importance au traitement des cœurs plutôt qu’au contexte social. Le retour à Taïwan et la nostalgie américaine ne sont qu’un prétexte pour parler des frustrations d’adolescence. En cela, le film est vraiment bien fait. Si le rythme est lent et l’actrice principale très énervante, c’est parce que cela nous renvoie à une image réelle de ce que peut être cette période de la vie, somme toute une histoire universelle d’un pays à un autre, États-Unis ou Taïwan compris, de la même façon qu’une mère diagnostiquée d’un cancer et qu’un père ayant du mal à subvenir aux besoins de sa famille, sont aussi des thèmes qui tiennent de l’universel.

Comme toujours, dans ce type de film, les scènes sont ponctuées de silences, de bruits de ville, de portes qui claquent… L’image est bien travaillée, on voit bien se refléter justement les couleurs de la ville, de nuit comme de jour, conférant au tout un côté poétique et un aspect esthétique plaisant, certes très académique, mais qui colle cependant très bien avec le sujet. La lumière bleutée, froide et triste émise lors des scènes silencieuses, calmes et de non-dits contraste avec celle plus chaude et rougeoyante des moments de colère ou de joie.

Beaucoup de manichéismes sont présentés à travers le film, habitude très américaine. Le film est ainsi bilingue, enchaînant les dialogues mandarin/anglais. On retrouve aussi, en échos à la relation mère-fille, la relation petite sœur 妹妹 à grande sœur 姐姐, l’amour puis la violence et le désarroi du père, la distinction entre deux religions bouddhiste et chrétienne, et des réflexions autour de la vie et de la mort.

Tout cela pèse lourdement sur le film, qui dans sa très grande lenteur, est tout de même parvenu à me faire pleurer dans les derniers instants, où l’improbable réconciliation a lieu, mais on ne dira pas avec qui. La rébellion et le rejet d’une vie imposée par sa mère, guidée par la maladie, mène irrémédiablement Fen à s’interroger sur sa propre identité, malgré ses nombreuses fuites en avant et sa passivité en cours.

Je ne me suis pas ennuyée un seul instant, mais beaucoup trouvent à redire de ce film un peu fade et sans rythme. Il n’y a en effet aucune musique (que le bruit ambiant), aucune scène d’action à part les disputes. Si les critiques semblent justifiables, il s’agit là tout de même d’un drame sans pathos, tout en pudeur et en retenue, tout ce qu’il y a de plus classique. À voir sur Netflix !

Signé Tassa 


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